Donner un souffle nouveau à l’Europe : la lettre de huit évêques européens

« L’Europe pour laquelle nous sommes appelés à voter doit être un espace d’avenir, de partenariat et de responsabilité internationale » : c’est par ces mots que huit évêques européens – de France, Allemagne, Belgique et Luxembourg [1]– motivent leur volonté de contribuer à « permettre au plus grand nombre de retrouver le goût de l’aventure européenne, malgré les conditions actuelles ».

« C’est pour cet avenir que nous sommes appelés à voter, ne nous dérobons pas à cet appel », insistent les évêques dans une lettre pastorale issue le 8 avril et adressée en priorité à leurs fidèles de l’Euregio et que Pax Christi porte à l’attention de tous les chrétiens de France.

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[1] Les diocèses concernés sont Luxembourg, Trèves (en Allemagne), Liège et Namur (en Belgique), Troyes, Verdun, Metz et Nancy et Toul en France.

Résumé:

C’est que le moment est grave : les crises nationaliste, géo-politique, économique et migratoire que l’Europe traverse font courir à l’Europe « le risque de disparaître si elle ne retrouve pas sa raison d’être : la paix et la solidarité dans la diversité ». Les évêques se disent « habités par la conscience nette que l’Europe connaît une crise de la conscience européenne » qu’il est possible et nécessaire de surmonter car « la difficulté est une force promotrice d’unité et de nouveaux dynamismes d’humanité ».

Les Européens sont invités à prendre conscience des valeurs communes qui les réunissent : le sens de la personne, le souci de la paix, l’attention pour la justice y compris internationale, la défense acharnée des droits de l’homme, partout où ils sont violés : l’Europe doit continuer à faire vivre ces valeurs profondes mais – ajoutent significativement les évêques, « il faut que nous le voulions ».

Les évêques nous invitent donc à « croire très fort à l’avenir de l’Europe : elle a été un terrain de lutte pour que triomphe le bien et il triomphera si nous nous sentons concernés par les institutions que nous voulons lui donner et par les engagements que nous sommes disposés à prendre ».

Ces engagements sont au nombre de cinq :

  • l’humanisation de la société (« l’Europe est d’abord faite de personnes, on ne saurait la réduire à des chiffres, à des quotas, à des seuils de pauvreté… »),
  • le bien commun (« l’Europe est un bien commun »),
  • la fraternité (« le moment est venu d’intensifier notre engagement par rapport au projet européen ») ,
  • la paix (« il est de la mission de l’Union européenne de contribuer à guérir les métastases de guerre et de haine diffusées sur la planète entière »),
  • la solidarité mondiale (« l’Europe a vocation à s’investir dans une mission de solidarité plus large voire mondiale »).

Bref, « pour que l’Europe soit à la hauteur des enjeux éthiques d’aujourd’hui, enjeux de justice, de solidarité, de respect des droits, de liberté » c’est d’un « nouvel humanisme capable d’intégrer plutôt que d’exclure » qu’elle a besoin, un humanisme dont « la justice, l’écologie intégrale et la législation sociale sont le socle ».

Les évêques achèvent leur lettre pastorale – qui développe une synthèse audacieuse de la construction européenne de ses débuts en 1951 à nos jours, suivant le fil rouge de l’unité dans la diversité des nations qui ont « librement adhéré à un pacte de solidarité entre elles toutes » – par un message d’espoir et de conviction : « la créativité, la spiritualité, la fraternité et pour nous chrétiens, l’esprit évangélique donnent à notre Europe ce souffle nouveau dont elle a besoin. Puissions-nous, au moment de déposer nos bulletins dans l’urne, être conscients que nous votons pour un projet d’espérance ».

Lancée depuis Scy-Chazelles, lieu de travail et de sépulture du bienheureux Robert Schuman, l’un des pères de l’Europe, cette lettre est une exhortation puissante aux chrétiens à se « réapproprier » le projet européen, toujours en construction.